Acouphènes : analyse du parcours de soins de 228 patients

Étude menée et réalisée par : Anaïs Perrin, audioprothésiste

Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études du D.E. d’Audioprothésiste, je vous ai sollicité pour connaître votre expérience de parcours de soin et de satisfaction concernant la prise en charge de vos acouphènes.

Les objectifs de ce mémoire étaient :

1. Réunir les connaissances actuelles concernant tous les types d’acouphènes (d’où viennent-ils, comment les diagnostiquer, comment les soigner),
2. Comprendre les failles du parcours de soins actuel et recueillir votre expérience et ressenti concernant votre prise en charge,
3. Elaborer une brochure informative à partir des éléments réunis, qui servira de guide aux personnes acouphéniques pour comprendre leurs acouphènes et savoir comment réagir face à chaque cas, connaitre le parcours diagnostic idéal et présenter les options thérapeutiques lorsque la cause des acouphènes ne peut pas être traitée.

Ce mémoire a été soutenu le jeudi 12 décembre.

Vous avez été 244 à me répondre. Pour concentrer mes recherches sur les acouphènes chroniques, j’ai dirigé mon étude sur les acouphènes dits « chroniques », c’est-à-dire ceux présents depuis plus de 6 mois. Cela correspond à 228 répondants. D’autres recherches seraient nécessaires pour explorer les acouphènes aigus.

Merci !

De 15 à 40 questions découpées en 7 items vous interrogeaient pour :

• Décrire vos acouphènes (pour comprendre la prise en charge liée aux différents types d’acouphènes),
• Les informations et traitements délivrés par votre médecin traitant,
• Les informations et traitements délivrés par votre médecin ORL,
• Les informations et thérapies délivrées par votre audioprothésiste,
• Votre recours aux thérapies alternatives,
• Votre satisfaction.

PRINCIPAUX RÉSULTATS

1. Description des acouphènes

Cet item visait principalement à différencier les acouphènes aigus (de moins de 6 mois) de chroniques (durables depuis plus de 6 mois) mais également à identifier les signes d’alerte. En effet, certains symptômes nécessitent une prise en charge particulière comme les acouphènes ne touchant qu’une oreille, ceux dont le bruit change avec les mouvements de la tête ou du cou, ou ceux ressemblant à une pulsation.

Le Médecin Traitant

Vous avez été nombreux (91%) à discuter de vos acouphènes avec votre médecin traitant.

Cependant, seuls 6,3% ont reçu une explication claire, tandis que 21% se sont vu répondre qu’« il n’y a rien à faire » ou qu’il faut « apprendre à vivre avec ».

Parmi ceux qui ont consulté, 62,3% ont été orientés vers un ORL, spécialiste de référence des acouphènes. Toutefois, 22,7% sont restés sans réorientation ni traitement. Certains ont obtenu une prescription de traitement (19,3%) ou d’examens complémentaires (31,8%). Il est important de rappeler que certains acouphènes nécessitent des examens complémentaires, et qu’à ce jour aucun traitement médicamenteux n’est efficace contre les acouphènes. Certaines pistes médicamenteuses sont pertinentes selon l’origine des acouphènes, à condition qu’un diagnostic précis soit établi (acouphènes dus à des spasmes musculaires, des problèmes artériels ou veineux, …) mais elles sont encore à l’étude.

Dans les cas symptomatiques spécifiques :

• 75% des acouphènes unilatéraux ont été orientés vers un ORL ou une IRM, mais 13% n’ont reçu aucune proposition.
• Pour les acouphènes pulsatiles, 56,2% ont été redirigés vers un ORL ou un angiologue, tandis que 25% sont restés sans recommandation.
• Enfin, pour les acouphènes dont le bruit varie avec certains mouvements, 74,7% ont bénéficié d’une réorientation, contre 22,9% sans suivi particulier.

Le Médecin ORL

Vous avez été nombreux (95,6%) à consulter un ORL pour aborder vos acouphènes. Toutefois, près des deux tiers d’entre vous (64,7%) n’ont pas eu d’explication concernant leur origine et 20,2% d’entre vous n’a reçu ni conseil ni prescription.

Pour les autres, les recommandations incluent :

• Un traitement médicamenteux (28,9%),
• Un acte chirurgical (3,2%),
• Une IRM (40,4%),
• Une réorientation vers un autre professionnel (17,9%),
• Un suivi alternatif (psychologue, sophrologue, …) (27,5%),
• Des conseils hygiéno-diététiques (9,6%).

Parmi les professionnels recommandés par votre ORL, on retrouve en tête de liste le sophrologue (22%), l’audioprothésiste (21,6%) et le psychologue/psychiatre (11%). Rappelons que ces trois professionnels sont essentiels dans les thérapies symptomatiques (celles qui visent à atténuer la perception des acouphènes lorsqu’aucun traitement ne permet de les supprimer totalement).

Cependant, certaines informations manquent pour évaluer pleinement la prise en charge, comme l’usage du stéthoscope ou la palpation des vaisseaux crâniens en cas d’acouphènes pulsatiles. Ces éléments limitent l’analyse de la prise en charge ORL.

L’AUDIOPROTHÉSISTE

Près de la moitié d’entre vous (51,8%) ignore encore qu’un audioprothésiste peut vous aider à gérer vos acouphènes.

La moitié d’entre vous a consulté un audioprothésiste pour ses acouphènes. Il a réalisé de nombreux tests mais certains, pertinents, n’ont pas été réalisés régulièrement :

• Mesurer vos acouphènes (52,6%),
• Réaliser des questionnaires (37,8%),
• Chercher le bruit capable de masquer vos acouphènes (dans 43,9% des cas).  

81,6% des participants ont testé une thérapie, souvent un appareillage ou un masqueur d’acouphènes. Pourtant, seulement 28,1% se sentent mieux informés sur leurs acouphènes grâce à leur audioprothésiste.

LE PSYCHOLOGUE / PSYCHIATRE

Une seule question concernait le psychologue. 57,5% d’entre vous savaient que le psychologue et/ou le psychiatre étaient des acteurs potentiellement utiles pour apprendre à gérer ses acouphènes.

SUIVI ALTERNATIF

Près de 45,6% des répondants ont recours à des alternatives, principalement la sophrologie (16,2%), la psychologie/psychiatrie (14,9%), la kinésithérapie (11%) et l’ostéopathie (11%). L’acupuncture et l’hypnose sont moins fréquentes (7% et 5,3%).

Une combinaison efficace repose souvent sur trois axes :

• Thérapies sonores : soit pour masquer les acouphènes, soit pour rééduquer correctement le système auditif afin de diminuer les acouphènes, 
• Thérapies émotionnelles et cognitives : soit pour gérer le stress, l’anxiété et/ou la dépression, soit simplement par une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) pour diminuer la perception des acouphènes,
• Thérapies alternatives (acupuncture, stimulations magnétiques transcrâniennes, etc…) : si nécessaire, en complément des autres méthodes, selon ce qui fonctionne dans votre cas.

À noter que 18% des participants utilisent des traitements alternatifs (homéopathie, tisanes, compléments alimentaires), bien qu’aucun n’ait démontré une efficacité prouvée.

SATISFACTION GÉNÉRALE

Cet item est révélateur :

• Beaucoup d’entre vous (61,4%) n’ont pas été interrogés sur l’impact des acouphènes sur votre vie quotidienne,
• 56,1% d’entre vous n’ont toujours pas compris l’origine de leurs acouphènes en fin de parcours,
• Près des trois quart (74,6%) d’entre vous jugent leur prise en charge par les différents professionnels insatisfaisante.

AMELIORATIONS POSSIBLES

Ces résultats révèlent des axes d’amélioration :

• Améliorer la communication entre les professionnels et les patients : beaucoup d’entre vous ignorent l’origine de leurs acouphènes et les possibilités de traitement,
• Renforcer la coordination entre les différents professionnels : la clé d’une prise en charge efficace est multidisciplinaire,
• Standardiser la formation des acteurs : la Haute Autorité de Santé a conclu, en 2024, que la formation des professionnels concernant les acouphènes était variable.